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Les Autres Japonais

Exploration sociale et vie d'un papa étranger au Japon.

Reiko

Reiko se maquille peu en général. Un brin de fard à paupières peu discernable si l'on demeure à distance, un teint uniforme réhaussé par le soupçon granulé d'un fond de teint, la mine pas vraiment réjouie. Depuis 7 ans, Reiko travaille dans le même département comme hakken (intérimaire). Son travail consiste à faire ce que les seishain (les employés à vie de l'entreprise) considèrent comme mendokusai (chiant), à savoir les factures, les documents d'expédition, les expéditions d'échantillons, la vérification du courrier.

Pendant ces 7 années pourtant, Reiko connaît tout des tâches du département, et sans doute mieux que l'ensemble des autres employés. Son salaire n'a pas changé grandement durant ces 7 ans, une augmentation horaire de 100 à 150 yens par an, sans prime annuelle, à contrat renouvelé chaque année. 

Reiko parle anglais parfaitement, mieux que tous les employés de l'entreprise réunie,ainsi qu'une bonne maîtrise du français. C'est pourquoi, souvent, des seishain d'autres départements lui demandent des traductions à faire de toutes sortes, du slogan publicitaire au memorandum juridique. 

"Je sais faire bien plus de choses que la plupart des employés et je suis la moins bien payée." dit elle avec résignation. "On me demande de faire des tâches longues et répétitives car ils ne savent pas les faire eux mêmes et parce que je suis hakken, c'est à dire qu'on peut me confier les tâches enmerdantes". 

Son manager, un grand sec efféminé, ne sait quoi lui dire. Plusieurs tentatives de faire passer Reiko de hakken à keiyakushain (employé sous contrat à durée déterminé) n'ont porté aucun fruits. "La compagnie a des règles et ils les suivent au mot près et dans ma situation la règle dit que je ne peux changer de statut, mais les raisons ne sont pas clairement expliquées". 

Dernièrement, une chance exceptionnelle s'est offerte à Reiko. Une campagne de recrutement interne pour le département international. La compagnie requiert des personnes à l'esprit international, près à se faire envoyer et à travailler avec des étrangers. Reiko fait la demande, passe un entretien dont le contenu lui paraissait vague."Le RH n'a pas été fichu d'expliquer quel genre de talent était nécessaire pour aller dans le département". Puis vint enfin le verdict: la candidature de Reiko est refusée. 

"Je n'arrive pas à y croire, je connais des gens qui sont incapables de parler un traître mot d'anglais, qui n'ont jamais mis les pieds à l'étranger et sa candidature a été acceptée!! C'est ce genre de personne qui va être le fer de lance de la stratégie internationale?". 

Reiko est pourtant toujours là, "mais pour combien de temps encore, je ne sais pas".

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D
Cette vérité est vraiment très triste. Mais je ne peux m'empêcher de penser, pour l'avoir vu à travers ma carrière, que ce genre de situation existe aussi en France, malheureusement. C'est un<br /> conseil que je donnais à mes connaissances pour le recrutement : ne pas montrer que l'on est trop brilllant ou trop diplomé, car cela nuit...
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G
<br /> <br /> Existe également le facteur favorisant ceux "dédiés" à la compagnie, ceux l'ayant rejointe depuis l'université, faisant donc partie de la "famille", un sens profondément ancré dans la mentalité<br /> corporatiste locale. Hélas, ces Reiko sont trés nombreuses.<br /> <br /> <br /> <br />