Exploration sociale et vie d'un papa étranger au Japon.
6 Juin 2012
Une phrase qui est dite lorsqu'un changement est vraiment en cours. Le genre de changement qui ne passera pas inaperçu comme un pet de rat dans un verre d'eau, mais comme un typhon arrachant les arbres de leurs cimes, décoiffant les toits de tôles frêles, emportant dans son souffle des corbeaux déboussolés et à la merci du vent et des cahots de sa route.
Il n'en fallait pas plus pour madame Murata, 42 ans, de sentir en moins de 3 jours le changement radical d'ambiance dans son département. D'abord à ses aises pendant 18 ans, à ne faire que ce qui lui plaisait, de façon souvent incompréhensible pour les autres, au point d'être devenue la personne à qui il ne faut pas confier de responsabilité, jusqu'au jour où la direction décide de changer l'actuel management, dépressif, débonnaire et démotivé, par un charbon ardent recruté dans les arènes de fauve du monde du business consulting.
Du même âge que Murata, la nouvelle manager ne perd pas de temps aux présentations usuelles. Le meeting du matin "chourei" est bouclé en 35 secondes, au lieu de 8 minutes où l'usage voulait que chaque jour un employé différent du département fasse un "speech d'une minute" qui généralement s'étendait bien au delà de cette frontière temporelle . Murata ressent de l'amertume, fini de parler d'elle et de ses succès d'antan qui font sa fierté d'aujourd'hui.
Au premier meeting avec sa manager, Murata récite une de ses longues tirades dont elle a le secret qui maintient l'assistance silencieuse pendant 4 heures voire toute la journée si le loisir lui est offert. Mais la manager, après une minute 30, fait un geste de stopper en levant la main. "Je comprends rien à ton histoire, de quoi tu veux parler?" dit elle sèchement en écrasant son crayon nerveusement sur le cahier de notes ouvert sur une page vierge. Murata s'emballe, panique et se lance dans l'explication de l'objectif de l'explication. Peine perdue.
La manager néanmoins fournit à Murata des instructions précises sur ce qu'elle attend d'elle. Murata soupire "aaah mais j'ai tellement de choses à faire" en tordant son corps de douleurs fantômes, un sourire grinçant dessinant l'expression de la fausse satisfaction de ceux qui cherchent à convaincre leur entourage du grand mérite de leur contribution. Mais la manager est déjà partie pour un autre meeting.
Murata, déjà bien rôdée dans l'exercice du monologue*** "Ah je suis fatiguée", "Ah c'est bizarre ça, va falloir que je refasse tout", "aaah mais qu'est ce que je vais faire, je suis tellement occupée par où commencer?", "Ah zut j'ai mes règles"; "Bon je dois faire pipi"***, et avec ce changement d'environnement soudain, fricote avec les hautes sphères de la compétition olympique.
Une semaine plus tard, Murata expose ses premiers résultats "Je pense qu'il va falloir que nous fassions une discussion..." à quoi la manager répond "Pas le temps, je veux un résumé de la situation". Murata tourne au blanc d'un linge Omomicro. Un mot s'échappe "ah oui mais c'est trés mendokusai (chiant) comme tâche". Un blanc....