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Les Autres Japonais

Exploration sociale et vie d'un papa étranger au Japon.

Partir et Rester

« J’ai mon compteur Geiger, avec ce que racontent les médias japonais, et l’hystérie des médias étrangers, je préfère me faire ma propre petite idée » dit Michel. Comme beaucoup d’entre nous, il a suivi les conseils de notre ambassade. Il est resté au Japon, mais plus à l’ouest.  Comme nous tous, il est revenu quelques jours plus tard. Des regards curieux de ces collègues. Certains savaient par la télévision que notre ambassade nous avait enjoints de quitter le Kanto « dès maintenant ». D’abord évacués, nous devenons des fuyards, honteux, excusés par notre ambassade face au pays où nous vivons, où nous travaillons. Certains de ses collègues trouveront à y redire. D’autres seront plus compréhensifs.

D’autres français, qui avaient fait le choix de rester, certains parmi eux se montreront plus japonais que japonais, poussant la « loyauté à nos employés japonais » à l’outrance, profitant du « déshonneur » de la peur de leur semblables pour saisir une opportunité. « Ces gens-là croient être meilleurs que nous parce qu’ils pensent s’être comportés comme des japonais modèles. C’est vrai que beaucoup de japonais ont continué à aller au travail. Mais dans ma compagnie, seuls 40% des effectifs étaient présents du 14 au 22, la peur n’était pas seulement chez nous… ».

Il était parti pour le Kansai, où beaucoup d’étrangers étaient allés se réfugier. Mais pas seulement des étrangers. « Il y avait cette japonaise avec ses deux enfants. Elle était arrivée de Tokyo deux jours auparavant et elle m’avait dit qu’elle avait fait les procédures pour obtenir un passeport. Son idée fixe était de quitter le Japon le plus vite possible. Des gens comme elles il y en avait énormément. ».

Et pendant ce temps-là, Rie, 30 ans, de la région de Sendai, me parle de ce miracle qui s’est produit le 11 mars. « Mon père était à Tokyo pour l’assemblée générale de sa compagnie pendant que sa maison, notre maison était emportée par la mer. »

Yasunori, 55 ans, dont la famille vit a Fukushima, me raconte la peur dans laquelle il vit depuis un mois. « Mes cousins et leurs enfants et leurs petits-enfants vivent tous dans le même village.  Ils risquent de devoir le quitter car trop proche de la centrale. »

Noriko, 32 ans, dont toute la famille vit dans la région de Sendai, a quitté son travail le lendemain du 11 mars et n’est jamais revenue.

Rie, Yasunori, Noriko, aux vies bouleversées, ils sont des dizaines de milliers comme eux aujourd’hui : perdus, ballotés, sans présents, ni passé.

Et face à eux, un monde qui sombre inexorablement dans l’hystérie des petites peurs.

« Si tu sais garder ton courage et ta tête

Quand tous les autres les perdront….Tu seras un homme» - Rudyard Kipling

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