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Les Autres Japonais

Exploration sociale et vie d'un papa étranger au Japon.

Nakada

La trentaine bien entamee, la coiffure moulee par l`oreiller, trainant des pieds , Monsieur Nakada ne se souvient plus de ce qui l`a conduit a travailler pour XX K.K. Alors qu`une revolution interne se prepare, une volonte du management de devenir une compagnie internationale, globale disent ils, Monsieur Nakada doute.

"Les choses sont etranges en ce moment" dit-il. Bien que travaillant dans le departement international, dont l`horizon se fixe aux frontieres de la Chine, Monsieur Nakada cultive la pensee que partagent ses coreligionnaires: "Ce qui n`est pas japonais, ce qui ne ressemble pas au Japon, ne peut etre realisable". Comme l`embauche progressive de non-japonais dans la compagnie.

"Ils ne sont pas japonais, ils ne peuvent pas comprendre" soutient-il avec peu de conviction, comme un texte appris par coeur. Les matins ou il anime les reunions de depart, comme chaque jour a 9h00, ou l`on demande a chacun d`informer le groupe sur ses dispositions particulieres, Nakada repete le meme texte. Chaque reunion se conclue par un "1分speech" (Speech d`une minute) ou l`on doit parler de ce qui nous passe par la tete, pour connaitre l`etat d`esprit des gens selon le management.

Le sujet favori de Monsieur Nakada: Disneyland. Une etape incontournable du Japon selon lui. Chez lui, les icones de Mickey et Donald y sont d`ailleurs tres presents, jusque dans sa facon de s`habiller.

Monsieur Nakada n`a rien de mauvais. A 35 ans, il prend plus soin de lui que ne le font les gens de son age, engloutissant une douzaine de medicaments a chaque signe de rhumes, se couvrant les jambes d`une couverture dont il ne se defait pas meme lorsqu`il se deplace dans les bureaux, lavant ses mains a l`alcool a 90 ainsi que son bureau et son clavier. Chaque matin un petit polo gris qu`il revet tous les jours l`attend sur le dossier de sa chaise.

Nakada est marie, mais un mariagequi suit une logique relativement recurrente qui consiste a se voir le moins possible pour se supporter. A la question de savoir si un membre de notre famille etait parti en Amerique ou autre pays a haut risque du a la grippe porcine, Nakada repond timidement "La semaine derniere, ma femme est partie a Hawaii avec un de ses oncles".

A la question de savoir s`il veut des enfants, Nakada me repond apres quelques secondes de reflexion "Avoir des enfants, cela coute cher, surtout lorsqu`on devra les envoyer a l`ecole, les examens sont tres durs, et cela risque de prendre du temps sur mon travail."

Les soirs alors meme que les bureaux se vident a 18h30, Monsieur Nakada saute d`une fenetre a l`autre sur son ordinateur, regarde les informations, ouvre Word, tape trois mots, ferme le fichier sans le sauver, relis des emails maintes fois lus. Il restera la jusqu`a une heure incertaine car je serais parti de mon cote.

A l`oree d`un changement qui se veut ineluctable, Monsieur Nakada, au temperament peu volontaire, fait partie de ceux dont la rupture avec la tradition fait peur. Quitte a changer, autant laisser d`autres le faire, mais lorsque le changement devient l`affaire, la responsabilite de tous, Monsieur Nakada s`enferme dans le doute et n`offre comme seul reponse "C`est difficile".

A la question enfin de savoir pourquoi il travaille ici, il repondra "Parce que de toutes facons, il faut travailler".

Camus avait ecrit, citation que j`avais mentionne dans un article precedent, "L`homme absurde est celui qui sans le nier ne fait rien pour l`eternel". Ma reaction premiere aurait pu etre celle ci a propos de Monsieur Nakada.

Mais en regardant autour de lui et autour de moi, cette attitude qui met en avant le risque de l`echec, de la defaite, le refus, l`evitement absolu de prendre toute responsabilite semble etre, pour beaucoup, une norme.

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B
Oui...après tout c'est peut-être sa version du bonheur!
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